Quel genre de tourisme serait durable pour l’Ile à Vache, d’Haiti? Interview avec Melinda Wilson
Interview de Dady Chery avec Melinda Wilson
Haiti Chery
À la suite de catastrophes naturelles, ou à l’avance d’événements tels que la coupe du monde de football ou les jeux olympiques, divers gouvernements et entreprises privées s’emparent de terres côtières. L’Île à Vache est un parfait exemple. Depuis plus d’un siècle, cette île de 50 kilometres carrés, à environ 12 kilometres des Cayes, une ville au sud d’Haïti, n’a pas reçu de services publiques essentiels comme l’électricité ou l’eau potable. Néanmoins, les habitants, pour la plupart des petits agriculteurs et des pêcheurs qui sont aujourd’hui environ 20.000, ont embelli et reboisé l’île à tel point qu’elle est maintenant reconnue comme l’île la plus belle et la plus naturelle des Antilles. Ceci, malgré qu’une administration haïtienne ait autorisé l’exploitation forestière de l’île par un homme d’affaires proche du Président Americain Abraham Lincoln, Bernard Kock, qui avait, en 1863, literallement remi en esclavage des Afro-Américains libres.
Le pouvoir exécutif d’Haïti est de retour à l’Île à Vache, sous le prétexte de la “développer” de façon “durable ” pour l’écotourisme. Mais, en réalité, il s’agit de s’accapparer tous les aspects de l’administration de l’île sous la tutelle du gouvernement afin de s’approprier les côtes et pratiquement tout le reste. Les habitants, qui étaient les derniers à etre informés sur ce projet, le résistent avec un blocage régulier de toutes les constructions. Ils ont formé plusieurs groupes pour représenter leurs intérêts. L’un d’eux est le Konbit Peyizan Ilavach (Kopi), dont le vice-président, Jean Matulnes Lamy, a été emprisonné dans l’ignoble pénitencier national de Port-au-Prince sans motif, sans inculpation et sans jugement depuis le 25 février 2014.
A News Junkie Post, nous avons examiné de plus près le tourisme à l’Île a Vache avec l’auteur et conférencière primée Québéquoise, Melinda Wilson. Mme Wilson est une experte sur les aspects biologiques et ornementales de l’horticulture et une vacancière soucieuse de l’environnement qui connaît très bien l’Ile à Vache.
Dady Chery. Je vous remercie d’avoir accepté cette interview avec nous, Mme Wilson. S’il vous plaît, pourriez vous dire à nos lecteurs quand exactement fut votre dernière visite à l’Île à Vache et était-ce la première fois?
Melinda Wilson. J’ai effectué un séjour de 3 semaines sur l’île avec deux de mes amis en février 2014. Pour moi c’était ma 3ième visite apres 2011 et 2013, pour Alain sa 2ième visite apres 2013, et pour Serge sa 1ère. Nous avons pu contaster un changement dans l’atmosphère qui régnait. Les gens étaient plus méfiants. Les tensions étaient palpables. Nous avons subi de l’agressivité verbale, des bloquages sur la route, des demandes d’argent. Les gens nous associaient aux investisseurs et nous disaient de nous en aller. Il nous fallait prendre le temps de leur parler et de leur expliquer que nous étions contre le projet de développement et avec eux dans leur lutte. Un de nous, Alain, se trouvait à Kay Kok lors de l’arrivée d’une manifestation. Il a été pris à parti par un groupe de personnes et il s’en est fallu de peu pour que cela tourne mal.
DC. Comment était la présence policière cette année par rapport aux précédentes?
MW. Pour ma part, je n’avais jamais remarqué de présence policière sur l’île auparavant. Je crois qu’il y avait seulement deux policiers pour toute la commune. Nous avons été témoins du débarquement d’une force armée, BIM [Brigade d’Intervention Mobile], et de patrouilles de bateau autour de l’île. Ces gens, fortement armés avec des armes automatiques, faisaient des déplacements en jeep sur l’île de façon à se faire remarquer et à intimider la population. Il sont plus de 100 maintenant. Au début ils résidaient à Abaka Bay Resort, mais dans le projet pour l’île on indique que l’on va construire un édifice pour les abriter: ce qui signifie que leur présence serait permanente. A Kay Kok, les policiers avaient réquisitionné un emplacement: un genre de commerce ressemblant à un espace de discothèque avec quelques baraques.
DC. Avez-vous vu des travaux de construction?
MW. Nous sommes allés sur le site du nouvel aéroport. Les travaux étaient interrompus à ce moment, mais les travailleurs de l’entreprise dominicaine Estrella résidaient dans un campement adjacent construit pour les loger en attendant la reprise des travaux. L’aéroport est situé à la pointe est de l’île, sur des terres qui servaient à la culture et au paturage pour les animaux. Le sol arable a été complètement gratté. On peut tout de même voir encore au sol les traces des carrés d’habitation de certaines maisons qui ont été rasées. Pour construire la route qui va de l’aéroport à la pointe ouest de l’île, on a empiété, sans aucun dédommagement, sur les terres des gens. Maintenant certaines maisons sont tout au bord de cette nouvelle route et on a coupé et abîmé sans ménagements des arbres fruitiers. Cette route remplace des sentiers pédestres qui respectaient l’environnement, et elle est beaucoup trop large pour l’utilisation qu’on en fera. Nous avons aussi visité Abaka Bay Resort qui a commencé à couper la mangrove derrière l’hôtel pour agrandir et construire de nouveaux bungalows. Nous avons aussi été témoins du débarquement de pierres venant probablement de fonds marins pour la construction de murets pour l’hôtel.
DC. Le jeudi est jour de marché à l’Île à Vache. Avez-vous visité le marché au cours de votre séjour? La nouvelle installation, a-t-elle amelioré les choses?
MW. Le marché de Madame Bernard a lieu tous les lundi et jeudi. Beaucoup de marchands viennent des Cayes, mais il y a aussi des marchands qui viennent de partout sur l’île pour vendre leurs petites productions. Je m’y rendais chaque semaine. Les marchands ne sont pas du tout installés dans le nouveau marché, qui est par ailleurs très mal conçu, avec des emplacements qui rappellent des étables pour le bétail. Les marchands préférent rester sur la terre battue et même dans la boue!
Le nouveau bâtiment etait construit par les soldats de la MINUSTAH. Il a le toit qui fuit et l’eau est stagnante au sol après la pluie. De plus, on veut faire payer les marchands — une somme modique, mais pour certains, c’est trop — et leur donner un emplacement fixe, ce qui ne semble pas leurs plaire.
DC. Avez-vous vu des manifestations?
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MW. Nous avons été témoins d’au moins trois manifestations, toutes pacifiques. Les manifestations réunissaient plusieurs milliers de personnes. La principale revendication de la population est le retrait de l’arrêté, à quoi s’ajoute la négociation avec le gouvernement et maintenant la libération de Jean Matulnes Lamy.
DC. Et en ce qui concerne la brutalité policière?
MW. Nous avons été témoin d’intimidations: des milices armés parcourant l’île en groupe, et de menaces. Par example, le propriétaire d’Abaka Bay a mentionné qu’il faudrait arrêter tous les manifestants pour avoir la paix. Nous avons remarqué des gens arpentant l’île et notant les noms des habitants en identifiant leur lieu de résidence. On nous a dit également que certaines personnes avaient été bousculées et blessées durant les manifestations.
DC. Deux membres de Kopi, Louis Jean Gadi et Jean Matulnes Lamy, ont noté que les deux hôtels de l’île, Abaka Bay Resort et Port Morgan, emploient des personnes en provenance du reste du pays et pas des habitants. Etes vous d’accord?
MW. Il y a des employés des hôtels qui proviennent de l’île. Combien? Je ne saurais le dire, mais ils n’occupent pas nécessairement des emplois de haut niveau et sont plutôt employés comme ouvriers, gardiens, serveurs ou employés d’entretien.
DC. À votre avis, Mme Wilson, il ya t’il en fait un avantage du tourisme pour la population de l’île?
MW. Lors de nos visites, nous demeurons chez l’habitant. Cela mous permet de donner de l’argent directement aux gens qui nous hébergent et nous nourrissent. Nos dépenses sur place comprennent: nuitées, repas, déplacements en bateau et moto, guides, achats auprès des petits commerçants, et services divers. Pour ma part, je fais aussi du travail bénévol au centre d’accueil St-François tenu par Sœur Flora, une québécoise. Je paie une pension quand j’y suis. Nous ne résidons pas dans les hôtels, d’une part par souci éthique et d’autre part à cause du traitement, salaire minime, non-respect de la population, pratiqué par ces hôtels qui ont aussi, par ailleurs, des tarifs très élevés et ont peu de bénéfices pour la population.
DC. Vous avez interviewé Jean Maltunes Lamy peu avant son arrestation et emprisonnement. Quels étaient ses soucis principaux?
MW. Ses principales préoccupations vont aux habitants qui sont dépossédés de leurs droits et de leurs terres par l’arrêté. Ils perdront leur gagne-pain et leurs sources de nourriture. Mais il est aussi préoccupé par la dégradation de l’environnement qui surviendra, et qui a déjà commencé, avec la coupe d’arbres et de mangrove, le projet de golf, la perte de sol cultivable, l’empierrement pour les quais etc., ainsi que de la réglementation qui doit être mise en place et qui affectera les petits pêcheurs: matériel règlementaire, permis, et autres choses.
DC. Voudriez vous ajouter quelque chose?
MW. Pour conclure, j’aimerais dire que l’Île-à-vache est un joyau que les habitants ont su conserver et aussi exploiter de façon respectueuse depuis des décennies, sans aide gouvernementale et dans l’oubli total. Il est ironique qu’au nom d’un “développement durable et écologique” on ait commencé à abimer l’une des dernières îles intouchées des Antilles, au lieu de la préserver, d’en faire un parc naturel et d’aider les habitants à avoir une vie moins difficile, et de faire en sorte qu’elle conserve son authenticité et son cachet unique. On s’apprête donc, sous prétexte de développement, à détruire toute cette beauté et cette harmonie. Quand on pense que l’on veut construire un aéroport international et que les habitants n’ont même pas une navette maritime pour se rendre aux Cayes!
Posons-nous la question: quels genres de touristes voudront aller passer des vacances dans une île où on aura baffoué les droits des habitants et détruit l’environnement?
Sources: Haiti Chery | News Junkie Post (anglais)
Je suis un Haïtien qui connait le secteur de l’hostellerie. Je travaille comme chef de service à Paris dans un Hotel de Haut gamme.
Il est vrai que l’état Haïtien doit négocier avec les habitants locaux,mais il est aussi un devoir s’il vous de l’état “la gestion du territoire, d’identifier les zones potentiellement économiques dans le pays pour attirer les Investisseurs à tous les niveaux. Par exemple, Nice est une zone stratégique pour toute la région.
On ne peut pas tout le temps dépendant des autres pays développer, il faut qu’on fasse de sacrifices, créer de pole économique pour donner du travail aux gens et surtout les locaux. il n’y a pas que Ile à vache, il y a un ensemble de coin stratégique en Haiti où un état responsable doit avoir un plan tels: Mole st Nicolas,Lagonave,la cote sud dans l’Artibonite…Il faut même créer de ville économique comme le plateau central.
Il ne faut pas surtout encourager les habitants à se révolter pour créer plus de désordres.Ce ne sera pas un service positif pour Haiti, je ne suis pas fanatique de quiconque, mais je suis conscient qu’on doit rechercher de possibilité en Haiti pour sortir le pays dans la situation où il se trouve, cela demande des efforts courageux et non populaires comme faisait De Gaulle et tant d’autres anciens chef de l’état développer. La gestion du territoire est du domaine de l’état.
Le gouvernment doit negocier avec les citoyens. C’est normal dans tous les pays qui pretendent etre democratiques. Les citoyens qui sont appellés a faire des sacrifices doivent aussi decider comment les faire et comment partager les bénéfices. Cela s’appelle “la participation des citoyens a la vie publique.” Les habitants de l’Ile à Vache sont très conscients de leurs droits civiques et ne sont en aucun cas incités par qui que se soit. C’est un mouvement spontané. Finalement, comparer le régime Martelly-Lamothe au General de Gaulle est une plaisanterie de mauvais gout.
Doit-on faire fi des droits humains et civiques pour faire du développement? Je vous rappelle que Jean Matulnes Lamy est toujours emprisonné. Est-ce que le développement doit toujours se faire dans le même sens? Et je me permets de souligner bien gentiment que Haïti n’est pas la France. Où sont les avantages pour les habitants? Personne ne leur a parlé de compensation financière. Va-t-on transformer des agriculteurs et des pêcheurs en travailleurs hôtelliers? C’est une blague, mais surtout est-ce que le tourisme de masse est la seule voie possible? les habitants ne sont pas contre une meilleure vie mais ils sont contre la dépossession de leurs terres que l’on veut “donner” à des firmes étrangères pour que eux puissent faire des profits. Le développement “durable” est possible quand on a établi des normes de vie “correctes” pour les habitants visés par un développement, touristique ou autre.
Haiti est un pays riche. L’histoire d’Haiti est si singulière, et en ce sens, elle informe sur bien des formes de la vie sociale. L’information que j’en retire sur l’île-à-vache, c’est que la définition de pays, ce qu’un état, un gouvernement fait est multiple. Parmi les choses que l’état fait, c’est d’exploiter le pays, ces habitants. Bien que les rois ont été remplacés par des présidents et des gouvernements, les habitants demeurent exploités, Les rois sont devenus maintenant les entreprises transnationales et les gouvernements qui s’y acoquinent.
Les paysans de l’île-à-vache sont actuellement une cible rêvée d’exploitation. C’est malheureux, eux qui ont su si bien s’organiser en société équilibrée. Ne nous trompons pas, le “développement” que l’on vise à imposer aux habitants de l’île, n’est motivée que par l’enrichissement de certains. Les bénéfices pour la population, que ce “développement” saura engendrer, seront minimes, car pour les investisseurs, tout gain pour la société sera un coût pour leurs projets. Il y a d’ailleurs déjà un coût appréhendé pour les résidents, la fracture sociale dont les tables comptables sont incapables de rendre compte.
Les véritables gouvernants de l’île sont les résidents actuels non pas le gouvernement haitien. C’est leur milieu. Ce sont eux qui détiennent l’intelligence concrète et réelle. Ils doivent être partie prenante du processus de développement si celui-ci doit avoir lieu. En ce sens, il faut appuyer leurs trois principales revendications:
– Libérer Matulnes;
– Suspendre l’application du décret;
– Intégrer des représentants désignés de chacune des communes de l’île au processus décisionnels.