Peuple Haitien: Retrouvons Notre Dignité
Par Michel-Ange Cadet
Haiti Chery
Plusieurs villes de la République d’Haïti se levaient sous fortes tensions en décembre 2010. Le ciel de certaines villes était noir de fumée. Des pneus brûlaient, des bruits assourdissants de manifestants dans un commun refrain de protestations et de colères déchaînaient le macadam. Les résultats des joutes présidentielles venaient d’être proclamés. Ont disait que le peuple réclamait son droit légitime de vote. Ce tonnerre grondait aussi dans certaines villes de provinces.
Une communauté de nations rigoristes et qui, au nom de son financement n’avait point d’égard, ne se gênait plus, entrait de manière péremptoire aux plus profondes entrailles de la nation. Ces pays, soit disant « ami d’Haïti », exprimaient clairement, sans aucun tact diplomatique, leur sentiment hostile au régime en place qu’ils accusaient de touts les maux possibles et imaginables de la situation dégradante dans laquelle vivait la population, et du caractère frauduleux du joute. Et, la communauté internationale, n’avait-elle pas imposé ses propres résultats à la République? À la suite de quoi, nous avons tous vu les grandes opportunités dont jouissaient de grands fonctionnaires internationaux dans le pays. Par exemple, les exploitations illégales des mines d’or dans la région du nord-est nous ont permis de constater la vitesse fulgurante à laquelle les différents plans de libéralisation de l’économie se sont effectués. Nous nous sommes tous demandés où sont passé les fonds de la reconstruction imbriqués sous l’égide de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (C.I.R.H). Et, aucun d’entre nous n’a jamais eu de réponse.
Cinq ans plus tard, ces personnages sont de l’autre côté de la barricade. Ce n’est plus l’expression antipathique que dégage l’atmosphère de la vie politique contre un régime. Ce n’est plus l’acharnement à évincer un candidat du pouvoir. C’est bien le contraire! C’est une communauté qui prétend, au nom de la stabilisation de la vie politique et du bien-être du peuple haïtien, vouloir faire avaler, coute que coute, à toute une population des élections frauduleuses pour préserver un régime illégitime. Nous trouvons en 2016 une communauté internationale qui tient par tous les moyens à maintenir un status quo. Tout le processus électoral s’est bien passé, veut-elle nous faire croire. Toutes les pagailles du 9 août et du 25 octobre 2015 ne sont que des visions schizophréniques d’une presse avide de scoop et d’une population malade de « renmen zen » et de débiles. Mais en fait, pourquoi ces pays tiennent tant à ces élections? Pourquoi ils veulent à touts prix un parlement, un gouvernement ou un président issu de toutes ces tergiversations?
Certains pays arabes ont connu dernièrement des bouleversements et des changements de régimes autocratiques. La Tunisie, l’Egypte, l’Iraq ont connu successivement des revirements spectaculaires de régime politique en très peu de temps. Nous parlons, bien entendu, du printemps arabe. Il est cependant clair que la fameuse main invisible, dont parlait Adam Smith dans ses différentes théories économiques, n’est plus invisible de nos jours. Tout le monde la voit désormais depuis bien des dizaines d’années dans chaque recoin de la vie politique et économique. Le monde est à présent conscient du rôle que jouent les puissances impérialistes par leur ingérence dans la politique interne des pays. Désormais, pour coloniser les peuples il faut d’abord coloniser mentalement leurs dirigeants, les autorités qui prendront les reines du pouvoir. Tout se passe sous le couvert d’une sorte de démocratie qu’on nous impose. La nouvelle forme de colonisation des peuples passe par leurs représentants. Et quand les résistances sont de mise, c’est au prix de troubles politiques, de crises économiques, d’effusions de sang sous divers formes et prétextes, qu’arrivent leur version de la démocratie et de la stabilisation politique et économique. La Syrie peut en témoigner. Pourquoi l’Arabie Saoudite, puissant allié des Etats-Unis et de l’Occident n’a pu avoir son printemps arabe? En réalité tout n’est qu’une question d’intérêts, de manipulations de l’opinion et d’exploitation des richesses.
Depuis l’extermination des cochons créoles dans les années 1980-1981, connue sous le nom de « Pè padèp », les puissances impérialistes suivent une stratégie de destruction systématique de l’économie haïtienne. Les Etats-Unis et le Canada ont peu à peu substitué leur production de viande à celle d’Haïti. Ils frappent en plein cœur la capacité réelle de la production nationale, de manière à affaiblir la paysannerie, principal moteur de l’économie du pays. Nos paysans ont été les plus touchés par ce massacre des cochons. En 1988, c’est au tour du secteur rizicole de subir les conséquences de cette politique économique de dominance des Etats-Unis et du Canada. La production du riz, du lait, des céréales et de biens d’autres produits alimentaires se voit littéralement démantelée par une concurrence déloyale, avec l’exigence d’une ouverture démesurée des frontières commerciales. Les paysans de la vallée de l’Artibonite, les producteurs du riz créole, protestent, luttent, crient haut et fort contre ce dumping et prévoient déjà l’arrivée imminente d’une catastrophe économique, celle de la destruction du marché rizicole haïtien et de biens d’autres produits alimentaires. Malheureusement les paysans n’ont jamais eu le support des élites de la nation haïtienne. Les intellectuels, l’université, et la société civile étaient trop occupé au compte de leur petite bourse, et ils n’avaient pas eu les yeux assez grands ouverts pour éviter au pays la débandade que, principalement l’Oncle Sam nous confectionnait par sa plus sordide industrie de misère et d’exploitation. De nos jours, nous ne retrouvons presque plus les variétés de riz créoles Madan Gougous, Rèpsoro, le riz Soleil.
Sur les allégations du retour à l’ordre constitutionnel, à la démocratie et aux réformes économiques en 1995, une seconde ouverture du marché haïtien fut imposée aux différentes structures étatiques de la République: le pouvoir exécutif et le parlement. Nous avons assisté à la chute vertigineuse de presque de tous les tarifs douaniers, la privatisation des entreprises publiques, le programme de départ volontaire de plusieurs fonctionnaires publics. Disons simplement que c’est l’application pure et simple du néo-libéralisme, qui expose ainsi notre économie à une autre bien plus performante et largement subventionnée. Ceci en compensation au retour d’exil du président victime d’un coup d’état fomenté pour ces mêmes puissances impérialistes. Et, nous en sommes encore là aujourd’hui. Un peu d’histoire ne tue pas; au contraire, elle nous permet de bien comprendre et de voir qui sont réellement nos vrais ennemis et qui leur ouvrent le chemin à notre destruction.
Tout ceci ne serait pourtant possible que par l’incompétence, l’insouciance, ou la lâcheté de ceux qui accaparent les plus hautes fonctions de la nation: nos présidents, nos gouvernements et nos parlementaires qui n’ont jamais su défendre la république. Il leur faut ces genres d’hommes et de femmes qui leur économise le temps, les comptes-rendus et les dépenses qu’auraient coutées toutes guerres directes d’occupation. Ces personnes ne veulent pas déplaire au blanc. Le blanc est toujours un puissant allié, surtout quand ils sont en manque de légitimité populaire. C’est un atout de sauvegarde du pouvoir, de tranquillité et de laisser faire quand des nuages assombrissent un régime politique.
Joseph Arthur de Gobineau d’une part avait raison. Tous les hommes ne naissent pas égaux. Il existe effectivement une hiérarchisation de l’espèce humaine. Simplement ce n’est ni la pigmentation de la peau ni la provenance régionale qui l’en détermine. Tout est mental. Le tout réside à l’intérieur de chaque subconscient humain. Certaines personnes naissent avec cette condition mentale d’infériorité, et tout au long de leur vie trainent leurs genoux. Ils croient dans leur subconscient à l’existence d’une classe d’homme meilleur, intelligent, infaillible. Ils n’estiment point leur semblable, leur race, leur concitoyen, et pas même leur propre personne. Ce complexe d’infériorité empêche tout jugement constructif. Ils sont ceux dont l’histoire ne veut plus exposer au grand jour, de peur d’infecter la pensée positive des esprits contemporains, sauf pour montrer les genres d’hommes et de femmes à éviter dans toute haute fonction d’un pays.
D’autres, au contraire, refusent de croire que leur destin est lié à l’existence d’une chaine de servilité et qu’ils doivent craindre dans leur chair le fouet du maître. Ce sont ceux qui naissent et vivent debout, se dressent et se battent contre toute forme d’adversité, qui ne croient plus à l’existence d’une race supérieure, mais que nous ne sommes tous des êtres de chair et de sang. Ce sont les haïtiens qui savent que le génie vient de cette terre comme partout ailleurs, que ce n’est pas un hasard que Toussaint L’Ouverture a su émerveiller une armée napoléonienne, et que c’est tout naturel que le génie de Dessalines a pu vaincre les troupes françaises de Saint-Domingue. Le fait que Anténor Firmin s’est élevé à dimension de n’importe quel écrivain du monde entier prouve que nous sommes tout aussi bien des êtres dignes.
C’est une infamie que de nos jours ceux qui mènent la nation haïtienne reposent tout leur espoir, toutes les décisions importances et orientations de la république sur une communauté de pays étrangers. L’autodétermination n’est plus qu’une illusion. Où est passé notre dignité de peuple? Cette communauté de pays « amis d’Haïti » se dise sympathique à la misère, à notre sort de peuple, bien que ce même peuple n’a jamais vu la couleur des fonds de soutien que ces pays prétendent lui avoir octroyé. Dans la mesure que les chiffres expriment un soutien mirobolant, les conditions sociales et économiques du peuple suivent, quant à elles, le chemin inverse. Nous nous appauvrissons de génération en génération. Beaucoup de ceux qui décident encore à promouvoir l’honnêteté n’ont plus que la pauvreté à léguer à leurs progénitures. Le pays est de plus en plus pauvre et le peuple de plus en plus miséreux, à un point tel qu’aujourd’hui on estime à 78 pour cent ceux qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Ainsi va le pays. C’est dans ce contraste économique et social que cette communauté internationale fanfaronne ses réalisations de stabilisation sur le sol haïtien pendant que, pour survivre, le peuple pratique la politique de l’autruche. Il s’enlise dans toute une série d’aphorismes populaire : « Pito nou lèd nou la ». Ou mieux encore : « Lespwa fè viv ».
Mais en fait quel espoir? Quelle vie? Pourquoi ne devrions-nous pas vivre en toute beauté en tant que peuple, en tant que nation? Nous sommes très peu à voir les derniers mouvements de protestations populaires dans les rues du pays sur leurs divers angles, autres que celles de la politique. La crise haïtienne est autant plus sociale que politique. En marge de la crise politique existe un problème de classe sociale et économique majeure. Ce n’est pas la politique qui crée les politiciens véreux, les majordomes déstabilisateurs d’institutions républicaines. Nous avons désormais des problèmes d’éducation civique, alimentés par une crise économique sans précédent. La politique apparait comme le seul moyen de s’en sortir, pour beaucoup. Certains ruinés dans la dernière crise des subprimes aux Etats-Unis se sont bien sorti de leur marasme économique pendant que le peuple, dupe, advienne que pourra, vit son quotidien dans le désarroi. Et, l’écart de plus en plus se creuse entre le peuple et l’oligarchie. Les récentes castes de ces derniers mois expriment tout aussi bien l’aigreur qui émane de la petite classe moyenne et des pauvres. Nous sommes très peu à voir l’expression de la fracture sociale qui existe dans la société.
Malheureusement l’Etat, dans son attribution régalienne à travers ses hauts fonctionnaires, n’assure plus son rôle de redistribution des richesses mais plutôt s’acoquine à l’oligarchie et aux impérialistes pour tirer son épingle du jeu. Ce qui rend les riches beaucoup plus riches, les pauvres plus pauvres, les impérialistes beaucoup plus content de leur politique d’exploitation, et le pays beaucoup plus conflictuel. Victime du séisme du 12 janvier 2010, puis d’une politique économique désastreuse durant les cinq dernières années, et pour couronner le tout, se voir arbitrairement augmenter la pression fiscale sur son dos, la classe moyenne haïtienne n’existe presque plus. On peut dire aujourd’hui que dans notre pays on taxe désormais la pauvreté. Ainsi va la République! Les donnés statistiques de l’économie montrent combien 2015 a été difficile pour le peuple haïtien. Ces données ne sont pas satisfaisantes du tout. En fait, elles sont catastrophiques, surtout si on considère la grande disparité sociale de la répartition de richesse dans le pays où 78 pour cent de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté et 58 pour cent sont sous seuil de pauvreté extrême; seulement 20 pour cent de la population détient les 63 pour cent des richesses du pays, pendant que l’économie s’accuse d’un taux de croissance de 3,6 pour cent pour l’année 2015.
Taux de croissance des branches d’activité économique
Indicateurs | Variation en % |
Secteur primaire | 22 |
Secteur secondaire | 21 |
Secteur tertiaire | 57 |
Agriculture/Sylviculture/élevage et pêche | -3.5 |
Industrie extractive | 3.8 |
Industrie manufacturière | 4.5 |
Electricité et eau | -0.2 |
Bâtiment et travaux publics | 2.3 |
Commerce/Restuarant et Hôtel | 3.5 |
Transport et communication | 0.5 |
Autre service marchand | 2.1 |
Service non marchand | 3.0 |
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Beaucoup abandonnent le navire, deviennent des tentacules de notre bicolore un peu partout dans le monde, fuyant la misère comme les juifs qui fuyaient la fureur d’Hitler. Ceux qui ont encore du courage ou qui n’ont nul autre choix luttent encore pour un avenir meilleur. Il y va de leur vie, du sort de leurs fils et petits-fils.
Sources: Michel-Ange Cadet est un économiste basé en Haiti et membre du Groupe de Recherche sur L’économie et le Développement Social d’Haiti (GREDESH). | Données de la table, de IHSI | Photos une and deux par Blue Skyz Studios; trois de Ministerio das Relacoes Exteriores; quatre et onze de l’OAS; cinq par Nick Hobgood; six de BBC World Service; huit, neuf, et dix par Jean-Jacques Augustin; douze par James Emery; treize de Mediahacker; et quatorze par cplbasilisk. | Cet article est aussi disponible en anglais.